Touareg
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PRÉSENTATION
Touareg, peuple d'Afrique.
" Touareg " est un nom d'origine arabe passé dans la langue française, mais inconnu de la population qu'il désigne. Les Touareg se désignent eux-mêmes Kel Tamasheq, " ceux qui parlent la langue touarègue ", montrant ainsi que leur dénominateur commun est une même culture et, avant tout, un même langage.
Les Touareg occupent un territoire immense qui va du Maghreb à l'Afrique noire et qui traverse le Sahara en s'appuyant sur des îlots montagneux où l'altitude corrige les effets de la latitude et permet la vie, grâce à des ressources en eau et à une végétation absentes ailleurs : ce sont le tassili des Ajjer, le Hoggar, l'Aïr et l'adrar des Iforas au nord-est du Mali. Les Touareg sont dispersés dans de nombreux États - Libye, Algérie, Mali, Niger, Burkina - avec quelques petites communautés au Nigeria et au Tchad. Leur poids démographique est surtout important au sud du Sahara, au Niger et au Mali.
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DÉNOMINATEURS COMMUNS
2.1
Société et traditions
Chez presque tous les Touareg, il est fait référence à une ancêtre, qui est à l'origine de la chefferie et fondatrice de la tribu (tawsit). La plus célèbre est Tin-Hinan, arrivée dans le Hoggar accompagnée de sa servante Takama : Tin-Hinan fut à l'origine des Kel Ghela, tribu noble, détentrice du pouvoir, et Takama donna naissance à la tribu vassale des Dag Ghali. Ce schéma se retrouve un peu partout, et presque toujours les nouveaux arrivés s'allient aux populations déjà en place. À noter que les Touareg sont monogames, trait original pour une société islamisée.
La société touarègue est hiérarchisée : du sommet à la base, elle comporte une aristocratie guerrière, des vassaux, des religieux à titre collectif, des artisans et un groupe servile, lui-même divisé en divers niveaux selon son origine. Chaque " confédération " est composée de ces différentes strates, avec à sa tête un chef supérieur (amenokal) toujours issu d'une même tribu et dont le pouvoir est matérialisé par un tambour de guerre (ttobol ou ettebel). Le " chameau " (en fait, le dromadaire) est associé à l'aristocratie, alors que la vache, et plus encore le petit bétail - brebis et chèvres - sont liés aux classes plébéiennes ou serves.
Les Touareg sont des berbérophones et font partie de ce grand ensemble berbère qui va du Maroc à l'Égypte. Leur langue constitue la pierre angulaire de cette société hiérarchisée, diverse dans ses différentes composantes. Les Touareg possèdent aussi une écriture dont les caractères tifinagh, gravés sur de nombreux rochers, sont souvent difficiles à déchiffrer. Il existe un alphabet tifinagh toujours utilisé, qui sert principalement à rédiger des messages courts, des épitaphes et des déclarations amoureuses.
Le voile de tête (tagelmust) des hommes fait partie des usages propres aux Touareg. Il est honteux de se dévoiler en public ; devant toute personne à qui il doit le respect, un homme jeune ne doit laisser filtrer le regard qu'à travers une fente de son voile, et il doit introduire son verre de thé sous le voile, sans découvrir sa bouche. Ce voile protège les muqueuses du vent mais, plus encore, soustrait les orifices faciaux aux assauts des génies malfaisants.
2.2
Littérature orale
La littérature orale est très riche, avec des devinettes, des proverbes, des contes, qui ne diffèrent guère de ceux des autres civilisations ; on y retrouve la même sagesse populaire incarnée dans les thèmes de la vie pastorale et nomade. La poésie constitue le point fort de cette littérature, avec des pièces lyriques qui évoquent l'amour, la mort et la nostalgie de l'absence et de la femme aimée ; ces poèmes rappellent aussi les grandes batailles du passé et les exploits des héros. Les poètes sont des hommes de toute condition, parfois des femmes. Événements actuels, migration et révolte sont les nouveaux thèmes des jeunes générations.
2.3
Culture matérielle
Les artisans sont de fidèles conservateurs du patrimoine. Ce sont eux qui reproduisent les objets de la vie domestique ou pastorale (coupes, louches et cuillères en bois, lits ou poteaux sculptés des tentes), les bijoux en argent qui ont conquis le marché touristique (dont la croix d'Agadez ...
...universellement connue), les selles de chameau (dont la selle à pommeau en croix, la plus connue et la plus sophistiquée), les armes (le couteau de bras, la lance-javelot et le bouclier aujourd'hui disparu), et surtout l'épée (takuba) qui bat toujours le flanc des hommes. Les lames de certaines de ces épées, venues d'Europe au XVIe siècle, portent des marques qui permettent de les identifier et possèdent un nom propre comme Durendal, alors que la grande majorité des autres ont été fabriquées avec de l'acier de récupération ; toutes, cependant, possèdent une même garde, une même poignée, un même fourreau, et s'identifient dans un même modèle.
2.4
Les rapports des Touareg avec le temps et l'espace
Vivre avec ses troupeaux dans un milieu aride, aux repères rares, demande une connaissance intime du milieu et un sens de l'observation très fin qui seuls permettent de se situer dans l'espace, grâce à des indices imperceptibles. Grâce au nomadisme, le Touareg utilise rationnellement son milieu en se déplaçant au fil des saisons. Les Touareg sahéliens conduisent leurs troupeaux dans de riches prairies proches du Sahara, sur des terres et des eaux salées, au cours de la brève saison des pluies ; puis, au cours de la longue saison sèche, ils regagnent les contrées méridionales, aux arbres fourragers et aux ressources hydrauliques permanentes.
2.5
Qu'est-ce qu'être Touareg ?
Dans une société si diverse, qui rassemble des hommes au teint clair et d'autres à la peau noire, il n'existe pas de modèle touareg. Aussi, être Touareg, c'est se comporter comme la société le demande, c'est-à-dire en fonction de son âge, de son sexe, de sa catégorie sociale : un artisan possède la liberté de parole, l'aristocrate un comportement désinvolte, le religieux une attitude retenue. Ne pas se conformer à ces règles, c'est risquer la critique, la dérision et peut-être l'exclusion.
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ANALYSE DES DIFFÉRENCES
Les dénominateurs communs des Touareg permettent de les reconnaître, de Djanet en Algérie à Madaoua au sud du Niger. Mais il existe, bien entendu, des différences sur divers plans : différences linguistiques, entre les dialectes du nord et ceux du sud ; différences quant à l'organisation politique entre les chefferies centralisées les plus fréquentes et souvent analysées à partir des Kel Ahaggar et celles plus souples de l'Aïr avec, en plus, une chefferie urbaine sédentaire représentée par le sultan d'Agadez. Différences également dans la composition de la population touarègue, avec une majorité croissante de groupes noirs d'origine servile selon un gradient nord-sud ; différences dans les types d'habitat, avec des tentes en peaux dans la partie ouest du pays touareg et des tentes en nattes végétales dans l'Aïr jusqu'aux frontières du Nigeria.
Occupant un si vaste espace, les Touareg ne peuvent vivre de la même manière au Sahara central ou au Sahel, dans les vastes plaines de l'Azawagh ou dans les massifs montagneux, dans les zones pastorales et les régions agricoles méridionales. Les Touareg du nord possèdent un élevage composé essentiellement de chameaux et de chèvres ; ceux des régions pastorales méridionales, Azawagh, Aïr, adrar des Iforas, ont des troupeaux plus diversifiés avec chameaux, vaches, brebis et chèvres. Les Touareg de l'Aïr cultivent des jardins irrigués dans les vallées du sud du massif et pratiquent le commerce caravanier entre les marchés du sud et les salines de Fachi et de Bilma qu'ils ravitaillent en produits variés et dont ils rapportent le sel et les dattes. Plus au sud encore, les Touareg deviennent des agropasteurs pratiquant agriculture pluviale à base de mil et élevage, ce qui les oblige à surveiller les troupeaux pour protéger les récoltes. La cohabitation avec d'autres éleveurs, Peul surtout, et paysans, pose de graves problèmes.
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LES TOUAREG DANS LES DIFFÉRENTS ÉTATS
Les Touareg ont résisté de toutes leurs forces à la pénétration des troupes françaises au début du siècle. À partir de 1916 et 1917, ils se révoltent contre l'occupation française et mettent en péril les troupes coloniales. L'organisation des territoires, les uns dépendant de l'Afrique du Nord, les autres de l'Afrique-Occidentale française (AOF), met un terme aux hostilités. L'indépendance des nouveaux États surprend les Touareg, non préparés à cette évolution, et qui disposent d'une faible élite scolarisée, prête à assumer des responsabilités administratives. La dispersion des Touareg dans de nombreux États, dans la zone la plus désertique, la moins peuplée et la plus éloignée de la capitale et du pouvoir, leur donne l'impression d'être oubliés et laissés pour compte.
En 1963-1964, une première révolte a lieu contre l'État malien. Mais la lutte est inégale, car les Touareg montés sur des chameaux et munis d'épées font face à des chars, et la révolte est durement réprimée dans l'adrar des Iforas. C'est à partir de 1990 qu'une révolte au Mali, puis au Niger, soulève le pays touareg contre les États. Les jeunes Touareg qui ont migré en Libye ont appris à manier des Kalachnikov et à conduire des véhicules tout terrains, et la guerre est dure : arrestations, massacres, émigrations en Algérie, en Mauritanie, entre autres. Aujourd'hui la paix est revenue et les plaies commencent à se cicatriser.
C'est au Niger et au Mali que les Touareg sont les plus nombreux, constituant 10 p. 100 et 6 p 100 de la population totale. La langue touarègue fait partie des cinq langues nationales et les Touareg peuvent s'exprimer dans leur langue à la radio et à la télévision. Les Touareg sont conscients de la richesse de leur culture et certains d'entre eux travaillent à recueillir et à faire publier leurs traditions orales